Qu’a vraiment changé la loi du 27/07/23 dite « loi anti squat » ? 


La nomination de Guillaume Kasbarian comme ministre du logement a suscité des cris d’orfraie.
Qu'a vraiment changé la loi ?
Analyse du texte et de sa mise en oeuvre en 5 points.

1️⃣ Le durcissement des sanctions punissant l’occupation illicite d’un lieu

2️⃣ L’élargissement du champ d’application du délit de squat

3️⃣ La création d’un délit de maintien dans les lieux pour les locataires dont le bail est résilié

4️⃣ La prétendue simplification des procédures de résiliation des baux

5️⃣ Plus d'octroi de délais pour quitter les lieux aux locataires de mauvaise foi et aux squatteurs



1️⃣ Le durcissement des sanctions punissant l’occupation illicite d’un lieu


En premier lieu rappelons que le SQUAT est le fait d'occuper un logement sans l'accord de son propriétaire par effraction, menaces, contrainte, …. C’est illégal.

Lorsqu’un bien est squatté, son propriétaire peut parfois obtenir l’expulsion des squatteurs sous 48 heures mais parfois, il faut engager une procédure qui peut durer plusieurs années. C’est le cas par exemple en présence d’enfants.
Lassés d’attendre le concours de la force publique, certains propriétaires tentent de forcer eux-mêmes les squatteurs à quitter leur bien.

AVANT : la peine encourue par le propriétaire se faisant justice était plus lourde que celle prévue pour le squatteur.

3 ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende contre 1 an de prison et 15 000 € d’amende.

APRES : Le squatteur est désormais réprimé plus sévèrement.

  • Le délit d’occupation frauduleuse est passible de 2 ans de prison et de 30 000 € d’amende
  • Le délit de violation de domicile est aggravé et puni de 3 ans de prison et 45 000 € d’amende
    ⚠️ Les délits sont décomposés en 2 sous-délits cumulables : s’être introduit dans un local ET s’y maintenir sans droit ni titre. Un squatteur qui occupe illégalement un logement loué est donc passible de 6 ans de prison et de 90 000 € d’amende.


👉 La loi procède donc à un rééquilibrage des sanctions entre les squatteurs et les propriétaires qui se font justice.


✅ Un délit d’incitation au squat est créé 📣.

Faire la propagande ou la publicité de méthodes facilitant ou incitant l’occupation illicite de biens immobiliers est désormais passible d’une amende de 3 750 €. 

✅ Enfin, les sanctions sont aggravées contre les marchands de sommeil qui se font passer pour le propriétaire du lieu pour le louer.

Le délit d’usurpation d’identité de propriétaire est désormais puni de 3 ans d’emprisonnement et d’une amende de 45 000 € (contre 1 an et 15 000 € auparavant).

❌ L’aberrante obligation d’entretien du propriétaire est maintenue même en cas de squat.
Le conseil constitutionnel a retoqué la mesure visant à libérer le propriétaire de l’obligation de réaliser des travaux d’entretien en cas d’occupation illicite du bien.


2️⃣ L’élargissement du champ d’application du délit de squat


AVANT : La notion de squat ne s’appliquait qu’au domicile du propriétaire.

APRES : Elle s’applique désormais à tout local à usage d’habitation meublé (résidence principale ou secondaire) ou à usage commercial, agricole ou professionnel.


3️⃣ La création d’un délit de maintien dans les lieux pour les locataires dont le bail est résilié


❌ Les mauvais payeurs ne sont pas les squatteurs.
Précisons en premier lieu que les locataires ne sont concernés par aucune des mesures de répression prévues à l’encontre des squatteurs.

✅ La loi du 27/07/23 prévoit une amende de 7 500 € pour le locataire qui se maintient plus de 2 mois dans un local à usage d’habitation après une décision d’expulsion définitive, qui a donné lieu à un commandement régulier de quitter les lieux.


🚫 Dans les faits, cette amende ne s’applique pas dans de nombreux cas :

  • Si le juge de l’exécution n’a pas statué sur la demande de délais du locataire pour quitter les lieux ou pendant le délai accordé (voir point 5)
  • Pendant les 5 mois de la trêve hivernale du 1er novembre au 31 mars de l’année suivante
  • Aux logements qui appartiennent à un bailleur social ou à une personne morale de droit public soit 1/5ème du parc

👉 Cette amende ne compense en aucun cas les pertes subies par le propriétaire.

Dans la vraie vie, la résiliation d’un bail pour impayé de loyer intervient très longtemps après le début de l’impayé. La dette du locataire envers le propriétaire est alors de plusieurs milliers voire dizaines de milliers d’euros.
Pendant la durée de la procédure, le propriétaire n’a pas touché de loyer, a du faire face aux charges de son bien (charges de copropriété, taxe foncière, crédit) et aux frais de procédure 💸.

Même s’il parvient à obtenir l’expulsion (ce qui est un autre sujet), rien ne garantit qu’il obtienne le remboursement des sommes dues par le locataire. Encore faut-il qu’il soit solvable et que le propriétaire engage des dépenses pour récupérer la somme (saisies par huissier, enquête si celui-ci n’a pas laissé d’adresse, …). Le locataire bénéficie par ailleurs d'un délai de paiement sur 3 ans.


👉 On donne au propriétaire bailleur un rôle qui n’est pas le sien.

Rappelons que les propriétaires peuvent eux aussi se trouver dans une situation financière délicate.
Bien loin des fantasmes des manias de l’immobilier, plus de six bailleurs sur dix possèdent un seul logement locatif.
Qu’advient-il de ceux qui comptent sur le loyer pour rembourser leur crédit, compléter leurs revenus ou leur retraite (40 % des propriétaires bailleurs sont des retraités) ?
Nous sommes tous sensibles au sort des personnes mal logées et de ceux menés d‘expulsion mais ce n’est pas aux bailleurs privés de faire le tampon. Leur rôle n’est pas d’héberger à leurs frais pendant des années des personnes en difficulté.


4️⃣ La prétendue simplification des procédures de résiliation des baux


🚫 Tous les baux conclus à partir du 29/07/23 contiendront une clause résolutoire en cas d’impayé de loyer ou de défaut de versement de la caution.

👉Rien de nouveau. Bien que facultative cette mention était déjà la pratique.


🚫 La présence d’une clause résolutoire simplifie la procédure de résiliation du bail mais pas l’expulsion.

Il existe 2 façons de résilier un bail :

  • Faire constater l’acquisition de la clause résolutoire c’est à dire la résiliation de plein droit du bail dans des cas précis (non paiement des loyers, défaut de paiement du dépôt de garantie ou absence d’assurance des risques locatifs). Le juge ne dispose ici d’aucune liberté d’appréciation.
  • Solliciter la résiliation pour manquement du locataire à ses obligations. Dans ce cas, c’est le juge qui détermine si le manquement est suffisamment grave pour justifier la résiliation du bail.

👉 Pas vraiment de changement dans les procédures d'expulsion.

Dans la vraie vie, l’acquisition de la clause résolutoire n’est pas synonyme d’expulsion.
Si le locataire ne quitte pas de lui-même les lieux, il faut solliciter un juge pour obtenir le recours de la force publique. Le propriétaire doit encore patienter des mois avant de récupérer son bien et dans certains départements l’expulsion n’est JAMAIS accordée pour des raisons idéologiques.

L’Etat est bien conscient du problème et a même prévu une procédure d’indemnisation pour les propriétaires qui ne parviennent pas à faire exécuter les décisions de justice. N'imaginez pas pour autant que tout soit réglé. Le propriétaire doit alors s’engager dans une autre procédure qui ne lui permettra pas d'obtenir l'indemnisation totale de son préjudice. En effet, l’indemnisation de l’Etat ne se déclenche que 2 mois après la résiliation judiciaire du bail (que le propriétaire a parfois attendu des années).

🚫 La loi du 27/07/23 raccourcit le délai incompressible entre un commandement de payer et une audience passe de 4 mois à 3 mois (3,5 mois pour les personnes morales autres que SCI familiale).

👉 Pas vraiment d'impact sur les délais de procédure.

Dans la vraie vie, l’encombrement des tribunaux est tel qu’il ne permet pas de raccourcir la procédure. Dans certains départements il faut attendre plus d’un an pour avoir une date d’audience.


5️⃣ Fin de l'octroi de délai pour quitter les lieux aux locataires de mauvaise foi et aux squatteurs


Pour offrir le maximum de chances au locataire de rétablir sa situation et prévenir les expulsions de nombreux délais lui sont accordés tout au long de la procédure. Le locataire peut bénéficier de délais de paiement allant jusqu’à 3 ans ainsi que de délais renouvelables pour quitter les lieux tant que son relogement ne peut avoir lieu dans des conditions normales.


AVANT : L’octroi de délais de paiement était systématique et entraînait une suspension des effets de la clause résolutoire (c'est à dire un report de l'expulsion).

Le juge pouvait également accorder des délais renouvelables pour quitter les lieux compris entre 3 mois et 3 ans.

APRES : 

La possibilité offerte au locataire de régler sa dette sur 3 ans demeure inchangée.

Le délai renouvelable pouvant être accordé au locataire pour quitter les lieux est réduit : entre 1 mois et un an.

Les délais de grâce réduits et applicables seulement aux locataires de bonne foi

  • Pour bénéficier d’un délai de paiement, le locataire doit être en situation de régler sa dette locative et avoir repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l’audience.
  • Pour bénéficier d’un délai pour quitter les lieux, le locataire doit justifier des diligences accomplies en vue de son reloger. La situation personnelle du propriétaire et du locataire sont également prises en compte.

❌ Les squatteurs ne peuvent plus bénéficier d’aucun délai de grâce.


👉 Il s’agit du rééquilibrage d’une situation qui protégeait de manière disproportionnée les locataires de mauvaise foi et les squatteurs.


Conclusion

Bien loin de la « déclaration de guerre aux locataires » évoquée par certains, cette loi a durci la répression d’un acte illégal et corrigé certaines aberrations.
Le rapport de force demeure très majoritairement favorable aux locataires.

Décourager les décourager les propriétaires bailleurs de proposer des biens à la location n’est dans l’intérêt de personne
Les bailleurs sociaux font déjà face à 2,6 millions de demandeurs de logement sociaux.
La remontée brutale des taux de crédit a conduit à une diminution de 50 % des prêts accordés en un an.
La tension locative explose.
Le matraquage fiscal, l’inflation législative et l’application à marche forcée d’une loi dont les outils ne sont pas au point (interdiction des passoires thermiques à la location) a conduit beaucoup de propriétaires bailleurs à vendre leur bien au cours des dernières années.

Qui proposera un logement aux 20 % de Français actuellement logés par un bailleur privé si tous renoncent ?